Quelques semaines après le passage de sensei, je prends enfin le temps de mettre à plat ce que je pense avoir compris de sa méthode. Si j’ai attendu si longtemps c’est qu’il m’a semblé important de « remâcher » son enseignement de façon à valider les pistes que je crois avoir saisi.
Estampe d’Hiroshige extraite des “53 stations du Tokaido” (Tōkaidō Gojūsan-tsugi)
J’ai suivi sensei sur toute la durée de son séjour en Europe, soit 60 heures. Le premier constat que je partage avec vous c’est que chaque moment est précieux, sensei ne voit pas tout le temps, tout nos défauts et il faut parfois un concours de circonstances pour qu’il réalise nos travers et les corrige. Je profite de ce constat pour vous exposer le premier enseignement de ces séminaires.
Etirer oui, contracter non…
Premier jour du stage en Hongrie, sensei nous montre Maho. Maho, c’est mon pain quotidien depuis 5 ans, je le pratique chaque jour entre 10 et 15 min, inutile de vous dire que je me croyais ultra au point sur cet exercice….. et bien non.
Dans cette vidéo j’illustre le piège dans lequel je suis tombé pendant 5 ans, l’hyper extension de la colonne vertébrale, ca n’a pas l’air de grand-chose mais ce simple détail impacte énormément votre forme de corps.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=v_jiaoJ0B7w[/youtube]
Exécution successive de Maho, en hyper extension, puis de manière plus relâchée
Pour résumer, lorsque vous forcez trop sur l’étirement de la tête et du bassin, vous générez une tension au niveau du sternum et des lombaires, cette tension, même légère vous empêche de « laisser tomber » le haut du corps sur les hanches et nuit grandement à la connexion haut-bas.
Ce paramètre ne doit pas être confondu avec le « retrait en tiroir » de la tête qui lui est particulièrement accentué. L’image est « d’ouvrir les vertèbres cervicales », quasiment au maximum de ce que votre anatomie vous permet.
En résumé, l’image du fil qui vous tire depuis le sommet de la tête alors que le bassin tombe naturellement reste d’actualité mais doit se faire sans que des tensions parasites n’apparaissent.
La fin de l’orthogonalité ?
Encore une subtile modification, dans Maho, j’essaye de conserver l’orthogonalité du dos par rapport au sol, sensei m’a corrigé en accentuant la fermeture des plis inguinaux bien au-delà de ce qu’il me corrigeait d’habitude. La sensation est radicalement différente, dans le premier cas, vous avez l’impression de flotter sur le bassin dans le deuxième, l’impression de force, d’assise et de stabilité est bien meilleure. Le test est sans appel alors que je suis clairement en déséquilibre contrôlé, je reste capable de résister à une poussée (chose qu’il m’était impossible à réaliser avant).
Maho “ancienne version” , le port de tête est à revoir et “l’assise” dans le besoin doit être accentuée
Dans Maho, il faut accentuer le recul « en tiroir » de la tête, conserver la sensation d’étirement dans la colonne vertébrale sans générer de tension et s’enfoncer dans les plis inguinaux (sensation d’être assis). Plus globalement, il faut faire le vide (éliminer les tensions parasites) pour pouvoir ensuite générer la force à partir du centre.
Générer la force à partir du centre
Si ce séminaire représente une étape marquante dans ma progression c’est qu’il m’a permis d’entrevoir les perspectives plus lointaines de la formation du corps.
L’idée de l’Aunkai est de ramener les tensions de la périphérie vers le centre. C’est la base, elle nécessite d’effacer les moindres tensions qui pourraient nuire à la transmission vers le tandien. A partir de là, il devient possible de générer la force « à partir du vide », l’absence de tension en particulier dans le haut du corps permet de se servir efficacement du tandien pour générer de la force.
Le meilleur exercice pour « attraper » cette sensation est le tanren à la lance que Manabu San démontre ci-dessous. Quelques points clés sont néanmoins à respecter.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=2fFzwGEY78U[/youtube]
Tanren à la lance par Manabu San, c’est là aussi une “ancienne version” qu’il faut adapter selon le travail recherché
Ne pas trop s’écarter de la ligne centrale
Le premier est de ne pas ouvrir l’angle du pied arrière au-delà de 45°, à partir du moment où vous ouvrez plus vous perdez les connections et vous avez tendance à utiliser la mécanique classique « fermeture de la hanche et propulsion » avec en prime une nette mobilisation de l’épaule.
Conserver l’arche et s’enfoncer dans le centre
Le deuxième point clé de cet exercice est de conserver l’arche. C’est particulièrement net quand vous cherchez à percuter, je prends pour exemple mon passage auprès D’Adaniya Sensei (8ème Dan de Shorin ryu) lors d’un stage de développement de la force interne. Au terme de son stage, il nous a proposé de mettre en application ses principes sur un exercice de percussion, incapable d’y arriver, j’ai tenté avec succès d’utiliser ceux de l’Aunkai. Ayant attiré l’attention de certains des participants, l’un d’entre eux m’a fort justement corrigé, mon erreur était la suivante.
L’exercice ci-dessus nécessite de s’enfoncer dans les plis inguinaux tout en restant ouvert, en particulier le pli de la jambe arrière au début du mouvement. A partir de là, si le corps est prêt, le « Mojo » s’actionne et vous arrivez à générer la force à partir du centre (en l’occurrence la zone entre les deux Kua). Le piège est de s’enfoncer seulement du côté de la jambe arrière alors qu’il faut impérativement s’enfoncer en conservant l’arche, donc sans aucun transfert de poids. C’était malheureusement mon erreur, en cherchant à m’enfoncer et à « ouvrir » du côté de la jambe arrière, je transférais mon poids sans m’en rendre compte, de fait je perdais l’arche et avec elle une partie considérable de la puissance à l’impact. Le point clé est donc de maintenir la projection du centre de gravité au milieu du polygone de sustentation (en d’autres mots de rester en parfait équilibre).
C’est probablement un des constats clairs de ce séminaire, il faut maintenir l’arche en permanence et donc proscrire les transferts de poids. L’autre constat est de chercher en permanence à s’enfoncer, s’assoir dans les hanches de la manière la plus relâchée possible (c’est le secret d’age-te d’ailleurs)
En conclusion, se séminaire m’a éclairé sur l’importance de la redirection des forces et du poids de corps vers le bas, condition sine qua non à la pratique de l’Aunkai. Des exercices comme Age-te et plus globalement tout ce qui tourne autour de la génération de forces (les percussions donc) sont intrinsèquement dépendantes de cette aptitude. En fait, sensei nous en parle depuis longtemps, j’imagine que mon corps n’était pas prêt pour le comprendre.
A très bientôt
Manu
Merci pour ce retour. Ça à mis du temps mais plus on avance plus j’ai l’impression de vivre cette notion d’enlever le superflu… Je pense qu’il nous à fallu passer par la génération de tensions sur lequel Senseï a beaucoup insisté au début. Ceci pour avoir quelque chose sur lequel se raccrocher et “construire” qui n’est d’ailleurs par le meilleur terme pour définir cette approche. Bref les sensations s’articulent, le corps se fait plus léger, les sensations d’axes doivent êtres de plus en plus subtiles. Une chose qui m’a vraiment aidé aussi c’est la notion de ne pas couper le mouvement, qu’il existe toujours, même dans une apparente immobilité, un mouvement que l’on peut amplifier…
Merci encore c’était un vrais régal de partager cette formation avec toi.
A très bientôt !
Pierre.
Je commence moi aussi à expérimenter cette notion (encore floue), j’ai eu le coeur brisé de devoir se séparer si vite, vivement la prochaine !!
Je n’ai pas encore eu l’occasion de pratiquer en votre compagnie, mais l’engagement de Manu avec Sensei ainsi que ses explication détaillées, permette un travail personnel en attendant mieux … un prochain stage initiatique.
Très cordialement,
Bonjour patrick
Merci de tes encouragements, j’essaye de faire en sorte que les personnes intéressées puissent débuter dans de bonnes conditions. Le prochain stage aura lieu samedi 7 décembre et la prochaine venue de sensei au mois d’avril.
Cordialement
Manu